lundi, février 05, 2007

NOTES DE LECTURES : AMANDINE DESMAISONS, CHARLES WILLEFORD



Quelques livres en vrac au fil de mes lectures ces derniers temps. En premier lieu celui d’Amandine Desmaison, LES DESSOUS DE L’HISTOIRE - CES GRANDES DAMES ET PETITES FEMMES QUI ONT FAIT LA FRANCE. Un livre d’histoire qui se lit comme un roman, mais attention, Amandine Desmaison, historienne de formation, a fondé son travail sur des recherches sérieuses, il ne s’agit pas là d’une de ces pseudo études historiques écrites pour tromper l’ennui par des bourgeoises en robe d’intérieur qui sont à l’histoire ce que Carla Bruni est à la chanson. Non, Amandine a appliqué sa rigueur universitaire à un sujet certes léger, mais qui a le mérite de faire vaciller sur leur socle les statues de Marc Bloch et de Lucien Febvre. J’exagère, bien sûr, et le territoire de l’histoire est vaste, mais quel plaisir de se replonger dans les chamailleries de Frédégonde et Brunehaut, de faire une halte à la cour d’Aliénor d’Aquitaine où s’épanouit la civilisation occitane à travers l’amour courtois, de retrouver la reine Margot et l’impératrice Joséphine. Surtout, il s’agit de réévaluer le rôle politique, social, culturel de ces femmes, qu’elles soient issues du peuple ou du monde aristocratique. Ainsi en est-il du rôle de Madame de Maintenon dans la révocation de l’Édit de Nantes ou de celui de Clothilde dans la conversion de Clovis, qui a déterminé le destin d’une nation. Cela est bien connu, à vous de découvrir le reste, ou plutôt de le dévorer tant le style d’Amandine Desmaison amène un rare bonheur de lecture.

Amandine Desmaison : Les dessous de l’histoire : ces grandes dames et petites femmes qui ont fait la France, éditions Scali, 2006.



Connaissez-vous Charles Willeford ? Moi pas jusqu’à ce que je tombe par hasard dans la bibliothèque de mon père sur MIAMI BLUES. Et là, stupeur, révélation, Willeford est le chaînon manquant entre, disons, Dashiel Hammet, Chester Himes, et Richard Brautigan pour son détective déglingué d’Un privé à Babylone. Willeford est né en 1919 à Little Rock, dans l’Arkansas. Orphelin très tôt, il est élevé par sa grand’mère, mais prend la route à 12 ans lors de la Grande depression, considérant qu’il doit désormais s’assumer. A 16 ans il s’engage dans la garde nationale californienne et poursuit une carrière militaire en dents de scie qui lui vaudra tout de même la Silver Star pour ses faits d’arme pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il voyage, France, Japon, Pérou, et commence à écrire à la fin des années 40. Il publie un premier roman en 1953, LES GRANDS PRÊTRES DE CALIFORNIE. Mévente, divorce, dépression, Willeford s’accroche et sort en 1962 COMBATS DE COQ qui lui vaut le prestigieux soutien d’Erskine Caldwell, rien de moins. Mais son éditeur meurt et le livre n’est pas distribué. Ce qui s’appelle la poisse. Les emmerdements continuent avec l’échec de l’adaptation cinématographique du livre dix ans plus tard. Finalement c’est en 1984 que Willeford publie MIAMI BLUES, premier livre d’une trilogie consacrée au sergent Hoke Moseley. Les affaires commencent à marcher et son éditeur lui octroie un à-valoir de 225 000 dollars pour le troisième opus. Mais quand on est noir c’est jusqu’au bout, Willeford meurt le 27 mars 1988, une semaine après la sortie du livre, payant un lourd tribut à l’alcool et au tabac. Diagnostic : crise cardiaque. Willeford disait “Ecrivez seulement la vérité, et on vous accuse de faire de l’humour noir”, la vie s’est chargée de lui donner raison.
Quant à MIAMI BLUES, disons que tout commence à l’aéroport de Miami, lorsqu’un ex-taulard californien baraqué comme Schwarzenegger tue un Hare Krishna en lui cassant le doigt. Une enquête compliquée pour le sergent Hoke Moseley à qui le medecin légiste a arraché toutes les dents pour les remplacer par un moulage identique à ceux qui sont fabriqués pour les dauphins du Marineland de Miami. Moseley croupit dans un meublé miteux, la ville est une grosse machine qui ne s’arrête jamais et l’atmosphère comporte un taux d’humidité effrayant. Une étudiante stupide qui fait la putain dans un hôtel pour payer ses cours croise la trajectoire du flic et de l’ex-taulard, qui se révèle être un psychopathe de première au fil du livre. Bref, si vous aimez les romans de Florian Zeller et les disques de Carla Bruni vous allez détester, pour les autres, allez-y, attention perle rare.

Charles Willeford : Miami Blues, éditions Rivages 1991, coll. Rivages-noir.

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