lundi, octobre 30, 2006

RELIRE KEROUAC : “Sur la route” ou le roman du mouvement (notes) / Jack Kerouac lisant "Sur la route" lors du Steve Allen Show, cliquez ici.


Il y a des livres qui vous suivent tout au long de votre vie, il y a des livres qui vous hantent, des livres qui demandent à être relus à intervalles réguliers, comme les bons disques, ceux qui restent dans votre oreille longtemps après l’écoute et qui un jour se retrouvent sur votre platine parce qu’un matin vous vous êtes réveillés avec un riff dans la tête et qu’il n’y a qu’une chose à faire, chercher dans la pile de CD entassés The idiot d’Iggy Pop ou le Heart of gold de Neil Young, le reste, tout le reste n’ayant qu’une importance relative. Ainsi en est-il de Sur la route de Jack Kerouac, ainsi en est-il des livres de Jack Kerouac, rappelons que Sur la route a été écrit en trois semaines, à un rythme effréné, sur un rouleau de télétype (afin de ne pas perdre de temps à changer les feuilles de la machine à écrire), rythme soutenu grâce à la benzédrine, performance athlétique donc, dopage compris, seven years on the road, three weeks to write... Lire Sur la route vous fait entrer dans une sorte de mouvement perpétuel, vous pourriez, après en avoir lu les 436 pages de l’édition française, revenir au début, et repartir aussitôt : “(...) alors je pense à Dean Moriarty, je pense même au Vieux Dean Moriarty, le père que nous n’avons jamais trouvé, je pense à Dean Moriarty.” / “J’ai connu Dean peu de temps après qu’on ait rompu ma femme et moi. J’étais à peine remis d’une grave maladie etc.” et vous voilà à nouveau embarqués dans le tourbillon, dans le mouvement : “Et il se coucha sur le volant et écrasa l’accélérateur; il était de nouveau dans son élément, c’était visible. On était tous aux anges, on savait tous qu’on laissait derrière nous le désordre et l’absurdité et qu’on remplissait notre noble et unique fonction dans l’espace et dans le temps, j’entends le mouvement.” Rarement romancier aura été aussi avide de performance, trois semaines pour expulser un manuscrit de mille pages (bien sûr, Kerouac, en écrivain consciencieux a retravaillé son texte par la suite, l’éditeur, quant à lui, ne s’est pas privé de tailler dans le vif, notamment les passages explicitement sexuels, voire homosexuels...), une performance qui enterre définitivement les romanciers qui, issus du dix-neuvième siècle, écrivaient encore au pas, tandis que Kerouac fonçait tête baissée au rythme de la révolution des transports, Kerouac qui écrivait aussi vite que Dean Moriarty/Neil Cassady conduisait, Charles Bukowski lui-même ayant fait l’expérience de la folie de Cassady au volant (Journal d’un vieux dégueulasse). Il y a là quelque chose qui évoque la frénésie avec laquelle le jeune John Fante écrivait ses premiers romans dans les années trente, rivé à sa machine à écrire dix à douze heures d’affilée, se déshabillant au fur et à mesure pour finir à poil et en sueur. A chaque écrivain sa généalogie, son panthéon, sa mythologie, Philippe Djian en sait quelque chose, il y a les écrivains qui ont du souffle et il y a les autres, le souffle, le beat, le it : “un tumulte de notes et le saxo piqua le it et tout le monde comprit qu’il l’avait piqué. Dean se prenait la tête à deux mains dans la foule et c’était une foule en délire”. L’écriture comme un long chorus spasmodique, une improvisation à l’instar de la mystique ternaire qui habitait les clubs peuplés de musiciens noirs dans la longue nuit américaine des années 50 : “Des fleurs sacrées flottant dans l’air, tels étaient les visages épuisés dans l’aube de l’Amérique du jazz.” Rien de tel pour pénétrer la scansion qui caractérise l’écriture de Kerouac que de voir et revoir (et revoir...) cette extraordinaire archive qu’est sa participation au Steve Allen Show. Kerouac y lit la fin de Sur la route accompagné par le piano d’Allen et son orchestre, et là ce n’est plus un écrivain qui lit, c’est bien un joueur de sax qui choruse, que ceux qui ont des oreilles entendent, qu’ils se pénètrent de l’exceptionnel placement rythmique de Kerouac, de son phrasé, de sa musicalité : “(...) I think of Dean Moriarty, I - think - of - Dean - Moriarty...”
Richard F. Tabbi, 30 octobre 2006

vendredi, octobre 27, 2006

PETITE MÉTAPHYSIQUE DU MEURTRE, PAR ÉLIETTE ABÉCASSIS : IL EST DES LIVRES QUI DOIVENT DEMEURER VIVANTS


Il faut être un peu dingue pour s’engager dans la voie de la littérature. Cela nécessite aussi de solides encouragements, et la vie se charge parfois de ménager d’étranges rencontres. J’ai découvert Éliette Abécassis sur le plateau d’Ex-Libris le 9 novembre 1998. Le propos n’est pas ici de rentrer dans les détails mais je dois simplement dire que sans ses encouragements je n’aurais peut-être pas eu la volonté de me battre jusqu’à la publication de Zombie planète. C’est donc avec un sentiment de gratitude que je publie ici un texte déjà ancien. Mais aussi parce que le livre d’Éliette Abécassis n’a jamais été si actuel : en ce début du XXIeme siècle en effet la question du Mal se pose de manière prégnante. Au moment où le président iranien Ahmadinejad s’engage dans la course à l’arme atomique et émet dans le même temps des “doutes” sur la réalité de la Shoah, parlant au passage de “rayer Israël de la carte”, au moment où la Corée du Nord dominée par un régime totalitaire d’essence marxiste vient d’acquérir une capacité de destruction qui fait trembler l’Asie, tandis qu’en Irak le terrorisme tue chaque jour toujours plus de civils, que les Talibans reprennent l’offensive en Afghanistan, et parlerons-nous encore du Timor oriental ou des massacres perpétrés au Darfour, ou dans un passé récent des tragédies rwandaises et yougoslaves ?
En définitive la tentation est grande de voir le 11 septembre comme une métastase de la Shoah, en réalité la Seconde Guerre Mondiale se poursuit, jamais elle ne s’est terminée, tout au plus pourrions-nous distinguer une Troisième et une Quatrième phase. A ceux qui tentent d’expliquer pareille déraison par des analyses socio-économiques permettant de recycler la vulgate léniniste on peut opposer qu’une constante semble à l’œuvre sur les différents théâtres d’opérations : le nihilisme sous toutes ses formes. Hitler est sans doute mort dans un bunker en avril 1945 mais les démons qu’il a engendré sont bien vivants, et les journaux télévisés nous rappellent chaque jour leur présence.
Ce petit livre d’Éliette Abécassis a eu sur moi une influence considérable à un moment où je me détachais des “sciences humaines” pour me tourner vers la littérature, où je délaissais la “raison raisonnante” au profit de l’esthétique et de la métaphysique. Les questions qu’il pose hantent les pages de mon prochain roman, je réalise aujourd’hui qu’il est au centre de la “trilogie zombie planète”, il est donc temps d’exhumer cette modeste recension.

Richard F. Tabbi, Aix-en-Provence, 27 octobre 2006

Éliette Abécassis, Petite métaphysique du meurtre, Paris, PUF, 1998.

D’où vient le mal ? D’où vient que nous faisons le mal ? D’où vient le mal que nous faisons ? C’est sur cette triple interrogation que s’ouvre le livre d’Éliette Abécassis, petite révolution philosophique et gros pavé dans la mare des tenants de la rationalité historique. Car, pour reprendre les choses à leur principe, si Dieu ne peut être à l’origine du mal, le mal ne peut exister, il n’est que manque, privation, absence de bien comme nous le dit saint Augustin.
Or, cela ne résout pas la mystérieuse question : d’où vient le mal, d’où vient le meurtre ? Question à laquelle l’histoire ambitionne de répondre, mais sans suffisamment prendre la mesure d’un terrible danger : vouloir comprendre le mal, c’est vouloir l’expliquer, et donc le fonder et le justifier. Car l’histoire s’est bâtie autour de cette idée absurde que le passé peut être compris rationnellement et s’est bien souvent mise au service de l’idéologie, quelle qu’elle soit. Aussi l’histoire, c’est “la complicité dans le crime” et finalement le métier de l’historien n’est-il pas de “rendre le mal possible” ? Cette interrogation prend toute sa mesure lorsque l’on considère une certaine école historique allemande qui prétendit étudier la Shoah en évitant de prendre en compte “les intérêts des descendants à se faire passer pour des victimes” (Ernst Nolte). D’autres ont su éviter cet écueil, et à ce titre, les travaux de Raoul Hilberg posant plutôt la question du “comment ?” et renonçant à l’orgueilleuse démarche explicative du “pourquoi ?” méritent un hommage évident.
Reste que l’historien échoue à résoudre le problème du mal. Tout comme la mémoire, “en tant que vérité subjective transmise de bouche à oreille”, du reste, car en réalité on refuse d’entendre les paroles des déportés parce qu’elles sont insupportables à entendre, et on construit des objets, des monuments, des mémoriaux, tels le musée de l’Holocauste à Washington. Or “ces temples fondés en tous lieux sur la Shoah sont le signe d’une nouvelle religiosité, non pas fondée sur la vie, mais sur la douleur... l’émotion ne peut être le fondement d’un juste rapport d’extériorité au mal...” Nous sommes désormais dans l’univers du spectacle qui conduit irrémédiablement à l’oubli.
Et que dire de la justice, sublime lorsqu’elle donne la parole au bourreau et le défend, évitant la vengeance et permettant une maîtrise sociale du mal ? Lors des procès de Papon ou de Demjanjuk on a souligné les “invraisemblances dans les rapports des survivants, comme si l’ensemble de la chose - SHOAH - n’était pas invraisemblable”. Car la justice vient après le mal et “le mal se sert du temps pour agir : se perpétrer et se perpétuer”. La confusion règne alors que cinquante ans auparavant, la frontière entre le bien et le mal n’avait jamais été aussi évidente.
En définitive, face au mal radical, l’art même n’apporte pas de réponse. Ne pas représenter l’irreprésentable sous peine d’obscénité et de voyeurisme; ne pas écrire de poème après Auschwitz... Mais prendre le chemin inverse, transformer le mal en bien, le sublimer, ériger des Anti-monuments, c’est là le travail de l’artiste qui “sait que ce qui se produit sous ses yeux dans sa société a sa résonance dans l’univers”, il nous oblige à “ouvrir les yeux et (à) examiner les événements afin d’y voir les processus secrets, les catastrophes et les crises qu’entraînent la conduite des humains”.

Richard F. Tabbi, décembre 1998

Éliette Abécassis, normalienne et agrégée de philosophie a publié, outre cet essai, de nombreux romans dont : Qumran, 1996, L’or et la cendre, 1997, La Répudiée, 2000, Le Trésor du Temple, 2001, Mon Père, 2002, Clandestin, 2003, La Dernière Tribu, 2004 et Un Heureux Événement, 2005.

jeudi, août 10, 2006

MACHINES SENTIMENTALES : LE NOUVEAU TAO KE TAO, d'après une nouvelle de Richard F. Tabbi (a tribute to Maurice G. Dantec)



De ce deuxième album de Tao Ke Tao se dégage une impression d’ordre. Une idée sous-jacente semble articuler en secret l’ensemble. Tout s’organise et s’imbrique naturellement. Un album comme le premier, animé par un concept. Un album organisé par le Tao, une idée issue de la philosophie chinoise. Le Tao agence le flot continuel du changement qui baigne le monde. Le Tao ordonne le chaos.

Tao Ke Tao développe un univers musical composé d’objets sonores d’origines diverses, aux sources éclectiques. Un monde particulier, très visuel, comme un clip, qui associe littérature et cinéma, musique et Histoire contemporaine. Une réflexion électronique.

Dans Machines Sentimentales, un album construit autour d’une nouvelle de Richard F.Tabbi, les machines sont dotées d’un cœur, d’un message. Elles parlent de la modernité, de la sexualité et de la religion, mais surtout de la guerre et de la violence. Les bouches métalliques, désincarnées, expriment avec froideur leurs sentiments. Elles observent et, de leur poste privilégié, elles jugent l’humanité.

Leurs mots rebondissent sur une toile électronique savamment concoctée. Des mots empruntés au XXème siècle. Le rêve de Martin Luther King (Art of War) côtoie les harangues de Tyler Durden et du Sergent Hartman (Minister of Death). L’invasion du Koweit (No Puppet Regime) se reflète dans la résistance organisée contre l’Empire par l’Alliance Rebelle (Bad Side).

Les références sont nombreuses. Le Fight Club croise Full Metal Jacket et l’Armée des Douze Singes. George H. W. Bush dialogue avec Jean-Paul Sartre et Luke Skywalker. Les samples, omniprésent, se répondent. Ils assènent, mot après mot, phrase après phrase, une vérité. Une logique insidieuse, magnifiée par la répétition. Le fond et la forme. Deux entités indissociables pour Tao Ke Tao qui, tout au long des neufs plages de l’album, fait preuve d’un art consommé de la mise en scène.

L’innocence n’existe plus. Elle s’est dissoute dans la réalité, dans la musique. L’électronique sombre et industrielle de Tao Ke Tao et la guitare virtuose de Florent Maynard en sont les fossoyeurs. Elles s’aventurent dans des univers musicaux différents. La guitare, rock ou psychédélique, s’évanouit puis réapparaît plus forte, plus présente, entre les boucles électro, les rythmes de blues ou les sonorités jazzies.

« J'ai embrassé mon robot sur la bouche. Il avait un goût de transistor et d'électronique… » Un goût unique, nouveau et si étrange. Bienvenu dans l’age des Machines Sentimentales !

Vince

copyright www.alternatifs.fr

lundi, août 07, 2006

ZOMBIE PLANETE : LE ROMAN



IV EME DE COUVERTURE :

Entre Roxanne, punkette psychotique et armée dont il est éperdument amoureux, monsieur Joyeux, ancien prof de philo poursuivi par un destin implacable et Billie, étudiante fascinée par la littérature, le narrateur, aura bien du mal à trouver la tranquillité à laquelle il aspire.

Caché derrière ses lunettes noires pour cause de larmoiement chronique, ballotté par les événements, ses aventures le conduisent entre autres vers de mystérieuses montagnes enneigées, dans une station-service, au milieu des pâturages à chevaux d'Henry, le cow-boy moderne. Partout notre personnage se cognera à la folie et à l'absurdité du monde, partout il rencontrera des êtres diaboliques, ou déments, tels monsieur Hallouff.

Pour conjurer le sort, il tente d'écrire un roman à la hauteur de son désespoir, un roman à la mesure de l'immense tristesse de l'un de ses héros : Richard Brautigan. Le cinquième acte de cette tragédie se déroulera face à l'océan. L'issue est gravée au creux des rochers rongés par le déferlement inlassable des vagues.

ZOMBIE-PLANETE DANS LA PRESSE : À PERDRE HALEINE

Le titre est là qui dit d'entrée que ce polar construit à trois à l'heure va décoiffer de surprenante manière. Richard Tabbi est normand de passage. Il a jeté sa gourme sur Le Havre, et s'abîme présentement dans l'écriture, après avoir tâté de l'enseignement, des joies de la vie militaire, être devenu maçon, ouvrier agricole, bibliothécaire, etc.
Tout cela n'aurait guère de conséquence, si Tabbi ne trempait sa plume dans de la nitroglycérine. Son bouquin d'enfer est écrit par touches vives et courtes. Un chapitre, une page, parfois moins. Pas de fioritures, de descriptions élégantes, un contact rude, sec, brutal, ensanglanté, la mort rôde dans ce road-movie américain perdu dans un désert sans nom.
Tabbi laisse sa plume se balader en toute liberté. Les personnages que l'on rencontre au coin du bois sont dangereux, tous sans exception. La fille est folle, le type est naze, l'ami va crever. Les ploucs sont ploucs de chez plouc, les méchants... méchants et les autres doivent bien l'être quelque part.
Danger, partout et toujours, au cœur de la sombre forêt, dans les dunes, dans les couloirs blancs de l'hôpital psy. Angoisses, folie, amour aussi, comment survivre ? Même au cœur d'une déchéance morale, physique, sans avenir.
Drôle de fantasia chez ces nuls à la gâchette facile, bandes de cow-boys paumés et si satisfaits de leur crasse. Et puis il y a Roxanne, ange de la mort, punkette dont il ne faut pas croiser le chemin autrement que le livre en main. Zombie de chez zombie, la drôlesse, dure la planète. Haletant le bouquin ravageur, il colle à la peau !

(Rémi Parment,Paris-Normandie, 20 février 2003)

dimanche, août 06, 2006

POUR CONTINUER LES PARTICULES : un article de Richard F. Tabbi publié dans le Bulletin des Amis de Michel Houellebecq


NOTES SUR LA DISPARITION DE L’HUMANITÉ ET L’AVÈNEMENT D’UNE SOCIÉTÉ POST-HUMAINE

“Ayant rompu le lien filial qui nous rattachait à l’humanité, nous vivons. À l’estimation des hommes, nous vivons heureux; il est vrai que nous avons su dépasser les puissances, insurmontables pour eux, de l’égoïsme, de la cruauté et de la colère; nous vivons de toute façon une vie différente (...) Aux humains de l’ancienne race, notre monde fait l’effet d’un paradis. Il nous arrive d’ailleurs parfois de nous qualifier nous-mêmes - sur un mode, il est vrai, légèrement humoristique - de ce nom de “dieux” qui les avait tant fait rêver.”
Michel Houellebecq, Les particules élémentaires

Grâce aux travaux de Michel Djerzinski, relayés et vulgarisés par Frédéric Hubczejak, l’humanité a donc laissé la place à une nouvelle espèce, immortelle, et délivrée de la reproduction sexuée (non du plaisir). Les romans de Michel Houellebecq posent des questions précises : sociologiques, économiques, scientifiques. Dans le cas des Particules on peut s’interroger sur la conclusion du livre, non pas en termes éthiques, mais sur la manière dont science et littérature sont mises en relation. Dans ce cadre, il est intéressant d’imaginer ce que serait cette société de “nouveaux dieux”.
Mais pour cela il convient d’abord de prendre un contrepoint, en l’occurence l’humanité souffrante vouée par Michel Houellebecq à la disparition. Depuis les australopithèques, en passant par les différents types d’homo, pour finalement aboutir à l’homo sapiens sapiens, demandons-nous quel est le moteur de l’évolution génétique qui a projeté quelques primates dans une aventure qui les a conduit à une maîtrise de plus en plus grande de leurs besoins et de leur environnement, et maintenant au déchiffrage du code génétique de l’espèce ? N’est-ce pas la faim, la souffrance, l’hostilité de l’environnement qui les ont conduit à améliorer sans cesse leurs conditions d’existence ? N’est-ce pas l’adversité, la haine, la guerre, la concurrence d’autres prédateurs, et non des moindres (ours, tigres, loups) qui ont amené à la maîtrise de l’outil, de moyens de défense aussi, afin de protéger les plus faibles, et notamment les femelles dépositaires de l’avenir de l’espèce ? N’est-ce pas en défintive tout ce que l’humanisme moderne condamne - agressivité, mentalité guerrière, esprit de compétition - qui est suceptible à terme de faire quitter son berceau à l’humanité ?
Les scientifiques sont peu ou prou d’accord pour admettre que le passage à une nourriture carnée riche en protéines a favorisé la croissance du cerveau, transition qui s’inscrit dans une logique de meurtre et de lutte pour les territoires de chasse. La compétition est consubstantielle à l’homme, elle s’inscrit autant dans son histoire que dans ses gênes. Bien sûr, on pourrait disserter avec Bachelard à propos du nécessaire et du superflu, n’empêche que la nécessité de survivre a forgé les générations de pré-humains et d’humains, sélectionnant en cela les plus forts, les plus adaptés, en dernière analyse les plus intelligents. D’où le formidable développement technique, la maîtrise de l’outil aboutissant à une maîtrise technologique dont l’Occcident est aujourd’hui le dépositaire. Une maîtrise technologique qui, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité est susceptible d’éradiquer celle-ci dans une conflagration apocalyptique, mais aussi capable à terme d’exporter les gènes humanoïdes à travers l’espace et le temps (avec d’ailleurs la possibilité de créer des mutations adaptatives en fonction de nouveaux environnements, ainsi des humains à quatre bras et donc quatre mains, pour évoluer en apesanteur, ou recouverts d’écailles les protégeant des rayons cosmiques pour ceux qui iront explorer des mondes lointains). Ainsi l’humanité n’a jamais été si près de la Chute, mais aussi de l’accession au statut supérieur de créateur, on n’osera parler de “dieu”, même si le mot s’impose d’emblée, créant ainsi un pont entre la science et la théologie1 .
Pour revenir au roman de Michel Houellebecq, que suggère-t-il de cette post-humanité ? Des êtres immortels vivant dans un parfait bonheur, saturés de zones érogènes suggérant des possibilités de plaisir infinies, ne connaissant ni cruauté, ni envie, ni colère. Une création in vitro : dans un espace donné apparaît pour un temps illimité un groupe d’individus, jumeaux génétiques, pouvant à satiété s’adonner à la Science, à l’Art, au Plaisir. Le tout sous une forme communautaire qui est imprimée dans les gènes des créatures. Or, la question que l’on peut se poser est celle-ci : quid du moteur ? Qu’est-ce qui va amener cette post-humanité à se dépasser à nouveau ? C’est là une question légitime, à moins de considérer que là est atteint le point ultime de toute évolution (le point Oméga ?), ce qui est absurde. Une telle quiétude, une telle existence, si paisible, ne rendra-t-elle pas ces post-humains totalement désarmés face à une menace extérieure ? Sans stimulant de type compétitf, sans émulation, ne verra-t-on pas cette “société” regresser, que ce soit au plan technique, au plan moral, au plan socio-politique ? Rappelons-nous les catastrophes engendrées par les tentatives de construction de sociétés égalitaires. La démotivation des individus, la régression des dites sociétés, auxquelles une redynamisation salutaire a été insuflée par l’injection de l’économie dite de marché, c’est à dire de la compétition, de la concurrence, est en elle-même éloquente. C’est en redonnant l’initiative aux individus, et la possibilité de s’affronter dans une confrontation économique, sociale, intellectuelle (c’est d’ailleurs là un puissant substitut au penchant guerrier, à la violence, comme le sport peut l’être) que certains ex-pays de l’Est se sont mis à nouveau en mouvement, se sont remis à créer des richesses, et par conséquent à dispenser du bien-être à leurs habitants. Précisons qu’il s’agit là d’une constatation qui n’a rien d’une apologie, il n’y a pas lieu d’être frappé de cécité au regard des problèmes bien réels générés par l’introduction du capitalisme et l’agrégation à l’économie globalisée.
Si l’on se recentre sur les post-humains houellebecquiens, il s’agit là d’une société de type communiste qui risque la stagnation à tous points de vue. On imagine une sorte de nouvel Eden sans pomme et sans serpent, d’où l’effort est banni. Un monde dans lequel sans aucun doute les possibilités d’un développement hyperbolique de l’intelligence sont réunies, sans pour cela qu’une telle évolution soit garantie. Le dauphin est un mammifère supérieurement intelligent, également doué de vives émotions, à l’instar des humains. Pourtant, une adaptation quasi-parfaite à son milieu a annihilé chez lui toute possibilité de créer une technologie pour la bonne et simple raison qu’il n’en a pas besoin. Hélas, les dauphins pris dans des filets se laissent mourir. C’est ce qui risque de se produire pour ces êtres paisibles appelés à nous succéder, pour peu qu’ils soient confrontés à des prédateurs ayant gardé intact leur instinct.
Bien sûr, ce ne sont là que quelques réflexions terre-à-terre d’un humain bien trop humain pour imaginer une forme de vie radicalement diffférente du cloaque dans lequel il patauge. Reste que le livre de Michel Houellebecq se termine sur une utopie. Il pose bien entendu des questions d’une extraordinaire importance, on oserait même écrire : les seules questions véritablement importantes. Sa clairvoyance pointe à juste titre la révolution génétique qui nous attend. Mais cette post-humanité idéale est avant tout littéraire, et cela vaut, il me semble, pour beaucoup de ce qu’écrit Michel Houellebecq, pour toute création romanesque. C’est là l’origine de nombreux malentendus. L’artiste est seul face à sa création, ses outils sont l’imagination, la liberté, et le style (ou le non-style). Il fonctionne en premier lieu avec son intuition, et en cela n’a aucun besoin de démontrer ou justifier son point de vue. Le livre existe, il appartient au temps. “Je change souvent d’avis” disait récemment Michel Houellebecq lors d’une interview diffusée tardivement sur une chaîne privée.
(to be continued...)

Richard F.Tabbi, septembre 2003
Article publié dans Houelle, bulletin de l'Association des Amis de Michel Houellebecq

ARDOISE DE PHILIPPE DJIAN : L'ÉCRITURE ET LA VIE... Recension par Richard F. Tabbi

Il était une fois un adolescent assommé par les “œuvres” proposées par ses professeurs de français successifs. Des textes sans aucun doute d’une grande valeur littéraire mais dont l’impression reste celle d’hommes et de femmes d’un autre siècle, dont les préoccupations, les actes, et la psychologie, ne parvenaient pas à éveiller la moindre parcelle d’interêt. Quant à l’écriture, n’est-ce pas, difficile d’être sensible à la “qualité” d’un style lorsqu’on a treize ou quatorze ans. Alors quoi ? Peut-être les professeurs de français n’étaient-ils pas aptes à traduire la richesse de tels textes ? Peut-être, tout simplement, le choix des textes lui-même était-il rien moins que judicieux. Pourtant, notre adolescent fut à la fois Sauvé et touché par la Grâce. Le hasard fit qu’il rencontrât au détour de l’interview d’un chanteur à muscles proéminents un certain Blaise Cendrars. Et rien ne fut plus comme avant. Car Cendrars lui révéla que l’on pouvait écrire autrement, que la poésie pouvait avoir une forme et des préoccupations différentes, que l’on pouvait vivre autrement. Et Cendrars, par une étrange contamination amena à la découverte de Céline. Ce fut le choc du Voyage au bout de la nuit. Et logiquement, lorsque l’adolescent devenu jeune homme comprit un peu mieux le fonctionnement du monde, il ne tarda pas à se rendre compte que les frères de Cendrars et de Céline étaient désormais de l’autre côté de l’Atlantique, qu’en France la littérature n’était plus qu’artifices sans substance, bref que la prose pouvait ne pas s’élaborer dans les salons parisiens. Et cela le gagna comme une maladie contagieuse : Henry Miller, Jack Kérouac, Melville, Faulkner, Hemingway, Sallinger, Brautigan, Carver, autant de jalons, autant de découvertes, autant d’appels à la vie, autant de défis. Un jour, ce jeune homme écrirai. Et n’oublierai pas de remercier ceux à qui il doit tant.
On me pardonnera cette longue introduction et le fait que je n’ai pas résisté a la tentation de parler de ma propre expérience. Mais on comprendra mieux lorsqu’on saura que pour moi Philippe Djian fut LE “passeur” qui m’ouvrit les yeux sur la littérature américaine. Mais venons-en à l’essentiel, c’est-à-dire à l’émotion ressentie par Djian lorsqu’il ouvrit L’arrache-cœur de Jérôme-David Sallinger à dix-huit ans. “Il y a cette période de la vie où l’on est fécondé”, et c’est bien de cela qu’il s’agit, fécondation, semence, sang, larmes, tremblements, sont bien les mots qui caractérisent l’étrange processus par lequel beaucoup d’entre nous sont passés entre le moment de l’adolescence et celui de l’âge adulte (on laissera à chacun mettre les bornes propres à chaque période) et qui va déterminer notre rapport à la littérature. Djian précise d’ailleurs justement que la littérature vient bien après. Avant, il s’agit de rien de moins que de “connexion directe avec le firmament.”
Quel est donc ce chemin emprunté par l’auteur de “Vers chez les blancs” ? Plutôt que de chemin, c’est de pente raide, de montagne à gravir qu’il faudrait parler, car après les tribulations d’Holden Caulfield, c’est l’ombre gigantesque du Céline de Mort à crédit qui se présente. Céline, qui est pour Djian le “styliste absolu” : “la puissance phénoménale de Céline soulevait à chaque pas des blocs de roche tout entiers et son souffle aplatissait les forêts autour de lui.” Céline, l’écrivain maudit, celui dont on affiche le portrait au-dessus de son bureau, Céline, qui donne à l’écrivain son statut de hors-la-loi, de lutteur solitaire. Il est un âge où l’on ne résiste pas à la force de certaines images.
L’étape suivante se déroule bien sûr outre Atlantique. À New York, pour tout dire. “Tout homme sain d’esprit devrait posséder une bonne valise. Et lire Cendrars.” Car la poésie est le passage obligé pour tout apprenti écrivain, l’art le plus difficile, celui qui véritablement implique un combat avec la matière. Et surtout, Cendrars, en une synthèse magnifique, réconcilie l’écriture et la vie, écrire, respirer, deviennent une seule et même chose. Il donne aussi la mesure du travail à accomplir : “à partir de ce moment je découvris qu’écrire n’était pas facile. Qu’il ne suffisait pas de voyager et de rouler ses cigarettes d’une seule main pour écrire Les Pâques à New York. Je crois que l’on devient écrivain le jour où l’on ne parvient plus à écrire. Le jour où le moindre mot commence à vous poser problème.”
L’écriture et la vie. Inséparables. Surgit alors Jack Kérouac et son rouleau de papier calque incantatoire, Sur la route. Djian a vingt-quatre ans : “la première phrase trace un sillon sur ma poitrine. C’est une lame qui avance en écartant mes chairs.” Kérouac montre alors comment vivre et pourquoi le style d’un écrivain est nécessairement en relation avec sa vision du monde. Surtout, le passage par le jazz, puis par la musique dite pop, apparaît dans toute sa lumière. Surtout si l’on se souvient de l’extraordinaire créativité des années soixante et soixante-dix dans le domaine musical (depuis, c’est un peu, disons, différent), et si l’on prend conscience de la part croissante de celui-ci dans le bagage culturel de chacun. Alors, comment ne pas comprendre la volonté affichée par Philippe Djian d’écrire un livre qui ressemblerait à une chanson de Lou Reed ? Ceux qui sont incapable de discerner ce qu’il y a d’essentiel dans une telle affirmation passent à côté de l’écriture : style, intonation, mélodie. Autant d’éléments incontournables. On recommandera à certains “stylistes” de réciter leur prose à voix haute, sur un tempo jazzy, cha-bada cha-bada...
“Je pense que c’est à Melville que je dois ce sentiment qu’un personnage n’existe pas tant que le vent n’a pas soufflé dans ses cheveux. Tant qu’il n’a pas éprouvé physiquement la présence du monde qui l’entoure - et le vent, la pluie, le soleil, les rivières ou les montagnes m’ont toujours semblé les plus dignes de foi.”
Tout est dit et on nous conseillera le voyage à Nantucket avant que de commencer à s’immerger dans les aventures de l’équipage du Pequod. Autre jalon important, conscience aigue de la matérialité de chaque élément du décor qui transforme le lecteur en spectateur embarqué sur le fameux navire. La fréquentation des anciens a aussi du bon, pour peu qu’ils sachent nous faire partager le goût du sel et nous effrayer, lorsque les tempêtes soufflent sur l’immensité. En attendant la baleine blanche...
Avec la Crucifixion en rose, Djian dit avoir atteint le point de non-retour dans sa résolution à devenir écrivain. Le souffle terrassant de Miller, la dimension physique du travail, l’exploit “athlétique” le fascinent. Surtout, la pornographie apparaît comme l’arme absolue, “l’élément indispensable à la compréhension du monde”, car “il n’y a pas de pornographie sans vision du monde”. La dimension métaphysique qu’imprime à la sexualité le colosse de Big Sur est toujours d’actualité dans l’étrange société du début du troisième millénaire où l’on n’interdit plus grand’chose dans le domaine de la sexualité, ce qui a pour conséquence la prolifération d’écrits et de films dont on peut légitimiment se demander s’ils visent autre chose que l’indigestion et sa conséquence inévitable, la diarhée(“il n’y a pas de pornographie dans les sex-shops, il n’y a que de la merde”). Reste que Miller demeure le monstre qu’il s’agit d’égaler. Parce que vouloir être écrivain, c’est être un peu fou. Et que le meilleur remède reste la lucidité quant à ses propres insuffisances. Le défi, toujours.
Certes, il y a des auteurs plus complexes que d’autres. Mais peut-être n’est-ce pas la bonne manière - la structure - d’aborder leur œuvre. Alors, faisons confiance à Philippe Djian : “Faulkner agit sur le lecteur par envoûtement”. Y-a-t-il quelque chose à ajouter ? Vous, qui fréquentez aussi Faulkner depuis de longues années et de nombreux livres, auriez-vous trouvé quelque chose de plus juste, de plus définitif ? Relisons donc Tandis que j’agonise et Le bruit et la fureur, et écoutons la voix de William Faulkner, dont on s’étonne qu’il se refuse à parler de son œuvre : “Je suis trop occupé à l’écrire. Il faut qu’elle me plaise à moi et si c’est le cas, je n’ai pas besoin d’en parler. Si elle ne me plaît pas, en parler ne l’améliorera pas puisque le seul moyen de l’améliorer c’est de travailler un peu plus. Je ne suis pas un homme de lettres, je suis un écrivain.” Une profession de foi qui va comme un gant à l’auteur de Lent Dehors.
Dans cette galerie de portraits de géants, il ne manquait qu’Hemingway, Hemingway et sa grande gueule, Hemingway aux innombrables blessures, Hemingway qui s’est fait sauter le caisson avec un fusil de chasse, tandis que certains écrivains meurent dans leur lit ou sur les bancs d’une quelconque académie. Hemingway. Hemingway et le style. Car rien d’autre n’est important, le reste, n’est-ce pas, est bon pour les magazines ou pour les aigris au souffle court (on ne citera personne ici). Hemingway est un grand professeur, Philippe Djian, même s’il s’en défend, l’est aussi : “écrire comme l’on manie la muleta : avec une précision absolue et sans artifices.”
Sur l’ardoise, restent encorent les noms de Richard Brautigan et de Raymond Carver. Richard Brautigan ou la légèreté, ou encore comment faire tenir une tragédie grecque dans un dé à coudre. Richard Brautigan et son extraordinaire sensibilité, Richard Brautigan, qui a dynamité tous les genres, polar, science-fiction etc. Richard Brautigan, cet au-delà de la littérature que l’on ne peut qu’aimer. Et Carver, les nouvelles de Carver, à l’écriture limpide, encore un styliste de l’épure. Celui qui donne à jamais le sens du combat à mener.

Philippe Djian, Ardoise, Paris : Julliard, 2002, 127 p., 15,10 Euros.


Richard F. Tabbi, mars 2002

samedi, août 05, 2006

RICHARD TABBI : BIOGRAPHIE & BIBLIOGRAPHIE



Biographie

Richard Tabbi est un écrivain français d'origine sicilienne, né en 1967 dans le sud de la France.
Après une maîtrise d’histoire religieuse médiévale consacrée à la sainteté chez François d’Assise, il a été successivement militaire, enseignant, documentaliste, assistant d’édition et rédacteur, journaliste, commercial, maçon, ouvrier agricole, bibliothécaire, peintre en bâtiment, secrétaire médical... Il décide à trente ans de se consacrer à l’écriture.
Découvert par Régine Deforges ("(...) après plusieurs refus j'étais au fond du trou, un jour que je tentais de me remettre d'une nuit blanche consacrée à Mr Jack Daniel's j'ai entendu parler Régine Deforges à la radio, ç'a été comme une révélation, j'ai foncé aussi sec à la Poste afin de lui envoyer mon manuscrit... Je devais avoir une drôle de gueule compte tenu de l'expression que je lisais sur le visage de la postière... Bref, trois jours après Régine Deforges m'a rappelé sur mon portable, elle travaillait sur un article qu'elle consacrait à Philippe Djian, ça tombait à pic..."), son premier roman, Zombie-planète, a été publié en janvier 2003 aux éditions Mango. Premier volume d'une trilogie consacrée en grande partie à l'aliénation à travers le regard d'un écrivain dépressif qui sombre peu à peu dans la folie, Zombie-planète est aussi l'occasion de revisiter certains mythes qui fondent notre société occidentale et qui plongent leurs racines dans les années 1960-1970 : la route, la musique pop-rock, l'usage de psychotropes... Entre temps il a participé à l’aventure Sexe More Sexe (recueil de SMS sur le thème de l'amour) avec Eliette Abécassis, Frédéric Beigbeder et bien d’autres et participé sous la forme d’essais et de nouvelles au Bulletin des Amis de Michel Houellebecq et à la revue Bordel.
Très jeune boulimique de lecture, il se passionne également pour la musique. Fasciné par Christian Vander et l'univers du groupe Magma, il apprend la batterie à 16 ans sous la direction de Patrick Jouanneau. A cette époque, il envisage sérieusement de devenir musicien professionnel et occupe ses cours de mathématiques à écrire des textes de chansons ou des parties de solfège rythmique. C'est aussi la période où il découvre Louis-Ferdinand Céline et le "Voyage au bout de la nuit", qui va rester pour lui une référence absolue. Blaise Cendrars surgit aussi avec son goût du voyage et sa poésie libérée de toute contrainte formelle. La musique et la littérature occupent donc tout l'espace.
Une maîtrise d'histoire religieuse consacrée à Saint-François d'Assise en poche, il est amené à exercer divers métiers, dont certains en relation avec l'écriture (rédaction, journalisme...). La nuit est le moment privilégié pour continuer à lire et la découverte de la littérature américaine est un jalon essentiel : Richard Brautigan lui semble un frère et "Un privé à Babylone" restera comme un roman de référence. John Fante, également, qui a lui aussi des racines italiennes qui font vibrer certaines cordes sensibles. Son autofiction de l'écrivain mourant de faim devant sa machine à écrire, incompris de sa famille, forme comme un écho dans le quotidien. Car peu à peu l'évidence se fait jour : il n'y a rien d'autre à faire que d'écrire, et la lecture à un rythme accéléré des Jack Kérouac, Bukowski, Henry Miller, Jim Harrison, et leur sectateur en France, Philippe Djian, finit par produire ses effets ; quelques lignes qui ressemblent au début d'un roman : ce sera "Zombie-planète".
Sa passion pour la musique et l’écriture poétique s’est exprimée notamment avec le groupe Parisatori qu'il a fondé avec Patrick Jouanneau, dont il a signé les textes du disque La fiancée d’Uranus. Une nouvelle inédite, Machines Sentimentales (a tribute to Maurice G. Dantec), est à l’origine du disque du musicien Tao Ke Tao. Enfin, Richard F. Tabbi a composé la bande originale du film Les sept Missionnaires, utilisant pour cela les ressources de l’informatique musicale.



Bibliographie

- Machines Sentimentales - a tribute to Maurice G. Dantec, nouvelle parue dans le numéro 20 de la revue Houelle(web), décembre 2006, et dans le numéro 32 de la revue Twice (papier), janvier 2007.
- Dogs - A variation about city, nouvelle parue dans le numéro 18 de la revue Houelle, juin 2006.
- Darwin 66, scénario, coécrit avec Ludovic Lavaissière, Fantasmogénia, 2005
- Les réunions du lundi, nouvelle parue dans le numéro 6 de la revue Bordel (avril 2004)
- One Saturday night in the jacuzzi with Michel Houellebecq, nouvelle parue dans le numéro 15 du Bulletin des Amis de Michel Houellebecq (janvier 2004)
- Pour continuer les particules, notes sur la disparition de l’humanité et l’avènement d’une société post-humaine, article paru dans le numéro 15 du Bulletin des Amis de Michel Houellebecq (janvier 2004)
- Halloween, texte paru dans le numéro 2 de la revue Délits de poésie
- Mickey, nouvelle parue dans le numéro 26 de la revue Les hésitations d’une mouche, septembre 2003
- Contrairement à une opinion très répandue, il fait froid en enfer ; Zorah, textes parus dans le numéro 1 de la revue Délits de poésie
- Sexe More Sexe, Eliette Abécassis, Frédéric Beigbeder et al., (recueil de SMS amoureux), éditions des Arènes/SeeMySMS, 2003
- Zombie-planète, roman, éditions Mango roman, 2003.
- La fiancée d'Uranus, Le dialogue des poissons, L'oiseau-voyage, No limits, Les somnambules, Les tombes de verre, Sans issue, textes parus dans la revue Les hésitations d'une mouche, n°22, septembre 2002.





Musique

- Machines Sentimentales, Tao ke Tao, disque tiré d’une nouvelle de Richard F. Tabbi, mars 2006 ;
- La fiancée d’Uranus, Parisatori, disque, textes de Richard F. Tabbi, 2005.