jeudi, octobre 20, 2011

Un texte court : BAÏKAL

BAÏKAL

Les vieux sont assis en cercle

Autour du cadavre du dernier hybride

Ils écoutent les nouvelles diffusées

Par un transistor à pile

Prélevé sur la dépouille d’un chercheur d’or

Fossilisée dans le schiste


Ici, au bord du Baïkal

Les morts sont plus nombreux

Que les vivants

Alors les vivants baisent avec les morts

Les morts ont des orgasmes post-mortem

Ils allument des bougies à l’intérieur de nos têtes

Car nous devenons peu à peu aussi fous

Que si nous étions morts

Les morts nous parlent

Ils ont leurs préférences

Ils ont des positions favorites

Et certaines réticences physiologiques


Pour nous qui sommes raccommodés de toutes parts

Pour nous qui avons besoin de machines pour respirer

Et n’avons simplement pas toute notre tête

Le monde est une étendue d’eau douce

Nos yeux s’activent sous la surface

Le ciel s’agite au gré du vent

Les nuages ont la consistance d’un gruau antique


Dans les cabanes au bord du lac

Des femmes cuisent leurs aliments

Sur des pierres issues de météorites

Elles portent leurs doigts sur des braseros

Qui brûlent leur peau tannée

Et lisent dans la pénombre

Les livres écrits sur nos corps d’écailles et de peau


Ces femmes rêvent de nos rêves

Elles rêvent que nous leur faisons l’amour et

Froissent les draps de leurs couches

En agitant leurs reins et leurs lourdes poitrines

Ces femmes n’auront pas d’enfants

À l’exception des créatures

Qui barbotent au-delà de la plage

Dans les eaux calmes que nous ne visitons jamais


Au matin elles viennent s’asseoir sur les galets

Nues

Leurs cheveux défaits

Leurs lèvres sèches

Leurs têtes dans leurs mains

Et se rappellent combien

Nous avons aimé la poussière et le souffle de la guerre.


RT, 20 oct 2011

© Richard Tabbi 2011 - droits réservés